Ancienne adjointe au maire de Paris et présidente d’Eau de Paris entre 2001 et 2014, Anne Le Strat a mené la remunicipalisation de l’eau dans la capitale. Elle vient de publier un livre dans lequel elle raconte sa « bataille » contre les multinationales.
Une bataille gagnée qui est aussi un plaidoyer pour le service public. Anne Le Strat y revient dans une longue interview au magazine « Regards ». Extrait.
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Aviez-vous d’emblée l’objectif de faire revenir l’eau sous une gestion publique ?
Je l’avais dans un coin de la tête, car je défendais par principe la gestion publique, mais ce n’était pas un engagement de campagne du maire. En revanche, il y avait une volonté de reprendre le service en main, c’est-à-dire de rétablir la puissance publique en recréant une administration qui contrôle le service, de recadrer progressivement les contrats qui n’arrivaient à échéance qu’une dizaine d’années plus tard… Assez rapidement, je me suis demandée si l’on pouvait casser les contrats, mais les services juridiques de la ville ont estimé que cela aurait un coût trop important. Il fallait donc procéder par étapes.
Qu’est-ce qui vous a convaincue que la remunicipalisation s’imposait ?
La prise de conscience, au travers de l’exercice de mes responsabilités, des dérives et des abus de la gestion déléguée au privé : manque de contrôle, absence de transparence financière, attribution des missions lucratives au privé, entretien insuffisant des réseaux, absence d’évaluation du service, etc. Mais en premier lieu, l’existence de trois opérateurs pour une ville comme Paris m’est apparue comme n’ayant aucune logique technico-industrielle. Cette division était le résultat d’une décision éminemment politique, de la part de l’ancien maire Jacques Chirac, consistant à partager le gâteau en accordant la rive gauche à la Lyonnaise des Eaux et la rive droite à la Générale des Eaux. Au-delà des arguments politiques en faveur d’une gestion – celle d’un bien aussi essentiel que l’eau – maîtrisée par la puissance publique, il y avait donc des arguments, techniques, économiques et démocratiques pour la création d’un opérateur public.
« Le modèle mis en œuvre à Paris est supérieur au modèle privé sur tous les points, et démontre qu’un service public peut être efficace et moderne »
Comment voyez-vous l’avenir des mobilisations en faveur de la remunicipalisation de l’eau ?
Un mouvement a été enclenché, on parle d’une « vague de remunicipalisations ». Même si en réalité elle n’est pas massive et que les conséquences sur le chiffre d’affaires des opérateurs sont limitées, l’impact global sur le marché de l’eau est considérable. Sans nécessairement appliquer la menace du retour en régie, les villes disposent désormais de puissants leviers de négociation qui leur permettent d’obtenir d’importantes baisses de prix, des améliorations du service, des contrats d’objectifs, etc. Nous avons montré que c’était possible : là réside notre principale réussite…
>>> Lire l’intégralité de cet entretien sur le site de la revue « Regards ».