Budget 2021 de la Sécurité sociale : « Les députés ont cautionné de nouvelles économies imposées à l’hôpital public »

Nous reprenons ici une tribune libre lancée par le collectif Inter Hopitaux.

Tribune CIH –

Le 29 octobre, à la veille du reconfinement, l’Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Alors que le gouvernement et les députés de la majorité se félicitent de ce budget hors normes pour soutenir le système de santé, les collectifs de soignants continuent de dénoncer l’insuffisance de moyens.

Bien que des milliards d’euros aient été annoncés après le Ségur de la santé de cet été, comment comprendre que les soignants continuent de quitter l’hôpital public ? Seraient-ils, comme certains aiment le faire croire, d’éternels insatisfaits voire des ingrats malgré les efforts consentis par la nation ? Ou bien sont-ils tellement attachés à leur métier et aux valeurs du service public qu’ils partent meurtris et découragés par leurs conditions de travail ?

Tribune CIH LeMonde 6112020

Il est compliqué de comprendre qu’une augmentation des dépenses de santé de quelques milliards chaque année correspond en réalité à une économie de quelques milliards imposée au système de santé. En effet, l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam), voté chaque année pour la ville et l’hôpital dans le cadre du PLFSS depuis dix ans, ne couvre pas les besoins.

Variable d’ajustement

L’évolution tendancielle des dépenses de santé est chaque année de 4 % environ (correspondant, entre autres, à l’évolution des charges fixes, du coût des pratiques et innovations médicales). Or, l’Ondam voté depuis 2008 n’a jamais dépassé 2,4 %, ce qui est revenu à voter des économies de 1,5 à 2 % chaque année. Voilà ce qui permet aux ministres de la santé successifs de communiquer sur l’augmentation du budget… alors que ce sont des économies qui sont imposées.

L’hôpital public a été la variable d’ajustement permettant de tenir l’Ondam : entre 2008 et 2017, 10 % des établissements ont disparu, 15 % des lits ont fermé, le virage ambulatoire a fortement restructuré les hôpitaux et conduit à ce que les patients qui restent hospitalisés soient ceux pour lesquels la charge en soins est la plus lourde. Dans le même temps, la désertification médicale a amené l’hôpital à devenir le seul recours aux soins vingt- quatre heures sur vingt-quatre dans de nombreux territoires.

Ainsi, l’activité hospitalière n’a cessé de croître : doublement du nombre de passages aux urgences en dix ans, augmentation de 5 % du nombre d’hospitalisations, effets du virage ambulatoire… La productivité hospitalière a augmenté de 15 % alors que, dans le même temps, sa masse salariale n’augmentait que de 2 % et que les dépenses d’investissement chutaient de façon dramatique. Lire aussi: Coronavirus : la doctrine de la fermeture des lits à l’hôpital « est venue se fracasser sur l’épidémie .

Les conséquences de ces dix années d’austérité sont désormais bien connues : maîtrise de la masse salariale conduisant à des sous-effectifs chroniques, intensification et déshumanisation du travail poussant les soignants à quitter l’hôpital public, dégradation du pouvoir d’achat des agents hospitaliers. Quand l’évolution des salaires du privé était de +1,6 % entre 2009 et 2015, elle a été de -0,3 % pour les soignants de l’hôpital.

Une revalorisation salariale insuffisante

La pandémie de Covid-19 a fait apparaître au grand jour la fragilité de l’hôpital public. Le gouvernement a été contraint à une revalorisation salariale présentée comme sans précédent mais qui semble encore insuffisante pour les hospitaliers. Pourquoi ? Parce que les revalorisations ne sont pas encore arrivées sur les bulletins de salaire d’un grand nombre d’entre eux et qu’elles ne seront pas suffisantes pour enrayer la fuite des personnels entre deux vagues de la pandémie. Les infirmières, sous-payées, occupaient la 28e place des rémunérations dans le classement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les revalorisations du Ségur, encore insuffisantes, les amèneront au 18e rang

Olivier Véran, le ministre des solidarités et de la santé, s’est félicité d’un PLFSS 2021 de « responsabilité ». Qu’en est-il en réalité pour l’hôpital public ? Indépendamment des surcoûts liés à la pandémie, près de 10 milliards supplémentaires sont nécessaires par rapport au budget voté pour 2020 (84,4 milliards) afin de couvrir les revalorisations salariales, embauches, le financement des investissements et l’augmentation des charges fixes. Or pour 2021, le PLFSS annonce un Ondam de 92,9 milliards, soit un défaut de recettes de près de 2 milliards. Ce budget ne permet donc pas de financer la totalité des mesures annoncées par le Ségur de juillet 2020 (7,5 milliards), les investissements et reprise de dette (1,6 milliard) et l’augmentation connue de 2 à 3 % des charges fixes hospitalières. Le Parlement vient donc de cautionner par son vote de nouvelles économies imposées à l’hôpital public.

« LORSQUE L’OBJECTIF PARTAGÉ PAR TOUS N’EST PLUS LA RENTABILITÉ FINANCIÈRE MAIS LA QUALITÉ ET LA SÉCURITÉ DES SOINS, L’EFFICACITÉ EST AU RENDEZ-VOUS »


L’épidémie de Covid-19 a aussi montré la grandeur du système hospitalier. En mars et avril, au plus dur de la première vague, les professionnels hospitaliers ont décrit une « parenthèse enchantée » dans le fonctionnement hospitalier : cette crise a montré que c’est bien la solidarité au sein des équipes, entre services et avec l’administration qui a permis de faire face. Lorsque l’objectif partagé par tous n’est plus la rentabilité financière mais la qualité et la sécurité des soins, l’efficacité est au rendez-vous, et le travail retrouve du sens. Le professionnalisme de chacun a été mis au service de la collectivité, c’est le sens des missions de l’hôpital public.

Il a été possible d’adapter les moyens humains et matériels (notamment en nombre de lits) aux besoins, et cela a permis en quelques jours de totalement réorganiser l’hôpital public. Malheureusement, dès l’été tout cela a disparu avec le retour à « l’anormal » : sous-effectifs, plannings variables, manque de reconnaissance, perte de sens… Les départs de soignants ont continué et nous affrontons en ce moment la deuxième vague avec moins de moyens qu’en mars. Faute de personnel, dans de nombreux hôpitaux, des lits sont fermés. Les mesures annoncées pendant le Ségur n’ont pas été à la hauteur pour améliorer les conditions de travail.

C’est en connaissance de cause que le Parlement impose de nouvelles économies à l’hôpital public. Les conséquences seront mesurées dans les semaines qui viennent car, cette fois-ci, nous ne sommes pas certains de contenir la vague.

Premiers signataires, pour le Collectif inter-hôpitaux (CIH) : Marie Citrini, représentante des usagers, coprésidente du CIH, Paris ; Nathalie De Castro, médecin, Paris ; Laurence Gembara, médecin, Clermont-Ferrand ; Anne Gervais, médecin, Paris ; Marion Malphettes, médecin, Paris ; Sophie Michallet, infirmière, Grenoble ; Florence Pinsard, cadre de santé, Pau ; Isabelle Simon, médecin, Compiègne ; Cécile Vigneau, médecin, Rennes.

Face au confinement 2, faisons du commun

Comment lutter contre l’isolement et le chacun pour soi ? Alors qu’une nouvelle période de confinement strict démarre, il est essentiel de mettre en place des solidarités, de faire du commun.

Comment pouvons-nous aider à répondre aux besoins sanitaires et économiques et aider les ménages les plus fragilisés par cette crise ?

Ne pas attendre . S’entraider. Mettre en commun nos idées et nos intelligences. A l’image de tous ces bénévoles qui n’ont pas attendu en mars pour réaliser des masques, mettre en place des collectes alimentaires, aider les soignants, faisons du commun.

À Gauche Autrement propose

  1. D’associer le plus grand nombre de citoyens à la réflexion conduisant aux décisions au niveau de la ville

Par exemple, comme le fait la Ville de Grenoble, lançons un comité de liaison citoyen afin d’associer les Gervaisiens au processus décisionnel. Il pourrait être composé d’associations qui ont l’expertise et l’expérience d’un certain nombre des problèmes à gérer dans la période (Croix rouge, Restos du cœur par exemple), d’associations ayant de par leurs activités une bonne appréhension des besoins des plus démunis, d’associations proches et bien connues des Gervaisiens. Il devrait aussi y avoir en son sein un ou des représentants du corps enseignant, des conseils d’école, du Centre de loisirs,  du CCAS (du service d’aide à domicile, des soins infirmiers , etc.), de personnes ayant œuvré dans la ville pour les habitants, et sans doute d’autres non mentionnées. Une mobilisation générale pour faire du commun.

  1. Des mesures spécifiques dont la liste ci-dessous n’est pas du tout exhaustive 
  • Il faut veiller au versement ponctuel des 150 euros décidé par le Gouvernement avant le confinement ; même si ce ne sera pas suffisant pour permettre aux plus pauvres de vivre (on met fin aux emplois d’appoint ou aux contrats de courte durée qui permettent aux ménages précaires de compléter leurs revenus modestes).
  • Mise en œuvre immédiate du chèque alimentaire telle que l’a proposé la Convention Citoyenne pour le Climat, proposition que le chef de l’État s’était engagé à appliquer. 
  • Bien qu’on ne soit pas dans la même configuration que lors du 1er confinement car les restaurants scolaires restent ouverts, des aides pour payer les repas peuvent être apportées directement (diminution du prix du repas), mais aussi à ceux qui rentrent chez eux car le repas est trop coûteux pour ces familles.
  • Mise en place d’une plate-forme de solidarité et d’entraide
  • En lien avec cette plate-forme, recrutement de personnes dédiées à accompagner les Gervaisiens, notamment les plus vulnérables, pour rendre des services et répondre à leurs besoins du quotidien. Ce service serait en lien sans doute avec le CCAS pour aider : livraison de courses ou médicaments (sur ordonnance) à domicile, dépôt d’attestations de déplacement dérogatoires, etc
  • Une partie du budget communication/représentation de la ville ne sera sans doute pas utilisé. Ce budget non dépensé doit être reventilé et dédié spécifiquement aux conséquences du confinement.
  • Que la librairie Temps livres ne fasse pas simplement « du commander et venez chercher » mais soit ouverte ! On a vu qu’elle sait faire en respectant les règles strictes. Parce que la culture fait partie des besoins essentiels. Parce que nous ne voulons pas voir disparaître notre librairie au profit d’Amazon.
  • À vous…