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Hôpital public. Pas de retour à l’anormal !

Nous publions ci-dessous l’interview d’Anne, infirmière puéricultrice à l’hôpital Robert Debré et habitante du Pré Saint-Gervais.
Anne revient sur la situation à l’hôpital public, la lutte des personnels soignants et leurs revendications.

« Il ne faut rien lâcher  » dit-elle.  Pas de retour à l’anormal.

À Gauche Autrement : Peux-tu te présenter ?

Anne, infirmière puéricultrice. J’ai 53 ans. Je travaille à l’hôpital Robert-Debré depuis presque 30 ans. J’ai travaillé dans différents services dont l’hématologie qui soigne les leucémies et les lymphomes de l’enfant, ou le Centre de la Drépanocytose. Depuis 13 ans, je suis infirmière ressource douleur. C’est un poste transversal dont la mission est à la fois d’évaluer et traiter la douleur des patients, de former le personnel, de participer à la recherche et à la publication d’articles. Pour mener mes missions je me suis formée dans les techniques non médicamenteuses : hypnose, aromathérapie et un peu les massages. J’utilise ces ressources quotidiennement pour soulager, détendre, offrir de nouvelles ressources aux patients et rendre les médicaments plus efficaces.

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À Gauche Autrement : Quelle est la situation à l’hôpital Robert Debré ?

Aujourd’hui, l’activité reprend son cours. Les consultations non urgentes ont repris ainsi que les interventions chirurgicales. Mais les chambres restent individuelles (au lieu des chambres doubles). Ce qui entraîne une réduction des lits. Les entrées sont filtrées strictement et un seul accompagnant est autorisé pour les consultations. Les visites sont restreintes. Le port du masque est obligatoire en permanence. Celui-ci reste contingenté pour les soignants qui en ont 2 ou 3 par journée de travail selon les horaires. Nous craignons que ces réductions de lits se pérennisent et entraînent une poursuite de la réduction du personnel. Il y a eu beaucoup d’annonces mais c’est confus pour nous aussi. Concrètement, on est revenu au monde d’avant…

À Gauche Autrement : Comment vont les personnels soignants que les gervaisiens ont applaudi pendant plusieurs mois aux fenêtres ?

Le personnel a vécu la crise différemment selon les services. Globalement, le plus compliqué a été la décision (concertée) d’accueillir un service de réa adulte. Il a fallu déménager la réa pédiatrique dans un autre service. Trouver du matériel en état de fonctionner, du personnel prêt à s’immerger en réa etc…. Pendant ce temps, les autres pouvaient  se sentir inutiles. Et puis il a manqué de matériel de protection créant un sentiment d’insécurité. Il y a eu aussi une certaine frustration, avec un sentiment d’iniquité sur des primes d’attractivité, des chèques cadeaux aux critères d’attribution opaques… Tout cela ravive la colère.
Les services qui avaient suspendu leur grève (réa pédiatrique et hémato) l’ont reprise.

Avec aucune incidence en hémato car l’encadrement médical et paramédical n’est pas bienveillant.  Il manque toujours 22 postes. Et ce n’est pas près de changer. Les infirmières sont en souffrance.
En réa, il commence à manquer du monde : les gens partent c’est normal mais on n’arrive pas à recruter. Non seulement les agents n’ont quasi rien obtenu malgré le soutien fort de leur chef de service et encadrement, mais la direction menace de chambouler leur planning. On réfléchit à une action forte.
Sinon, on est tous en train de se faire dépister et les résultats montrent que les sérologies sont en grande majorité négatives, y compris pour ceux qui ont eu une forme avérée de covid. Ça montre que les anticorps ne tiennent pas. Inquiétant pour l’avenir.

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À Gauche Autrement : Qu’est-ce qui a changé depuis la crise sanitaire du coronavirus ?

Ça dépend d’où on se place. Les soignants ont pu prendre conscience de leur valeur mais le retour à l’anormal est rude ! A la Pitié, Rémy un brancardier embauché pendant la crise et qui a été très apprécié n’a pas eu son contrat renouvelé. Il n’aura donc plus de boulot au 30 juin. Il y en a plein. Je dirais même que les directeurs des hôpitaux sont encore plus durs sauf exception. On nous suggère que si le codage (facturation) des activités ne reprend pas, les services et hôpitaux qui ont repris seront favorisés. A Debré la grève du codage a été revotée en AG et dans les services. 27 services ont voté la poursuite du mouvement.
Le partenariat public privé est très valorisé par les dirigeants. Nous voyons le privé s’immiscer dans tous les secteurs de l’hôpital avec des pertes de qualité, des choix arbitraires et des salariés privés dont  les droits sont bafoués.

À Gauche Autrement : Le Ségur de la santé ?

C’est une vaste mascarade. A ce jour il semble qu’ont ait une petite avancée sur les salaires. Mais pas sur les autres points qui sont cruciaux pour sauver l’hôpital public. Le mot public n’a jamais été prononcé par les organisateurs du Ségur.

Paris le 4 juin 2020 Manifestation hebdomadaire des personnels hospitaliers devant l'hospital des enfants malades Robert Debré en présence du professeur André Grimaldi

À Gauche Autrement : Quelles sont les demandes des collectifs inter hôpitaux ( inter-urgences) en lutte ?

– Réouverture des lits + embauches correspondantes
– Augmentation du budget des hôpitaux à la hauteur de ce qui est nécessaire.
– Augmentation des salaires pour atteindre un niveau comparable au moins à la moyenne des pays de l’Ocde (env +300€/mois pour tous)
– Changement de la gouvernance des hôpitaux qui devrait intégrer collectif d’usagers et soignants aux prises de décisions

À Gauche Autrement : Pour toi, pour l’hôpital public c’est le moment de….

Renforcer sa détermination, appeler les citoyens à défendre leur hôpital public, leur santé, s’unir à toute forme de lutte pour être plus visibles, se former aux actions de désobéissance civile non violente… Ne rien lâcher.

Credit Photos : @Jean-Michel Sicot

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